Patrimoine

 

 

Une Moto qui va sur l’eau ? la "Moto Nautique" MANDAR MN05

Yves Mandar est un aviateur, un amoureux des motocyclettes, des belles mécaniques, de la vitesse et du sport. Dès la fin de ses études, au milieu des années 50, il est un des premiers à se pencher sérieusement sur la possibilité de retrouver les sensations de conduite d’une motocyclette, surfant sur les eaux, en développant ses motos nautiques. Depuis un siècle, des tentatives avaient été réalisées, bricolages associant des flotteurs divers ... skiff de bateau, mais aussi bidons vides, avec des roues à aubes mues par la force humaine ou par un moteur. L’ensemble, baptisé d’un nom pompeux (podoscaphe apparu dans les années 1880, Amphibocycle navigant sur la Seine en 1909, Hydron, appareil à suspension élastique, …), relevait plus de l’utopie créatrice exploitant un effet d’annonce que du véritable effort de création pour reculer les limites du possible pour l’être humain.

Amphibocycle 1909 Cop M. Branger/Keystone
Moto amphibie "opération boudin"
Scooter amphibie "Idro Scooter"

Le 9 octobre 1952, un de nos plus grands champions moto, Georges Monneret, Jojo La moto, traverse la Manche, sur sa Vespa amphibie, un scooter sur un bricolage de pédalo, prudent….sous l’escorte constante du bateau de pêche le Saint Joseph. Le scepticisme reste de rigueur.

L’immédiat après-guerre connaît pourtant une frénésie de développement de véhicules spéciaux, hybrides de voiture + bateau (Amphicars, environ 4 000 construites entre 1961 et 1965 propulsées par un moteur Triumph) avion + bateau (aéroglisseur, Hovercraft), avion + auto (Pou du ciel) , train + avion (Aérotrain Jean Bertin) , qui seront fabriqués en série, et mis en service.

Hovercraft
Aérotrain expérimental Jean Bertin N° 2
Son contenu technologique

A cette époque, Yves Mandar aborde le problème de la "moto nautique" avec une démarche technique rigoureuse, cherchant à reproduire au plus près les sensations du pilotage d’une moto, mais sur l’eau, en développant un engin léger, performant et très homogène. Son expérience de pilote, sa connaissance de l’aérodynamique, lui permettent de transposer son savoir aéronautique sur la portance de l’eau et d’explorer le comportement d’une "moto nautique".

Entre 1954 et 1966, il va développer, seul, sans aucun soutien, 6 machines, numérotées MN1 à MN6. De la MN01 à la MN05 (photo ci-dessus) chaque moto nautique récupère le meilleur de sa devancière, qui, après réalisation et essais se voit démontée, disséquée, analysée et améliorée pour un modèle plus performant.

Le dernier modèle fabriqué est la MN05, présentée dans cet article, unique survivante que l’épouse de Yves Mandar, récemment disparu, m’a confiée pour lui trouver une destinée.

La MN06 ne dépasse pas l’état de projet papier et Yves Mandar, absorbé par ses autres activités professionnelles, et lassé du scepticisme autour de ses inventions, a abandonné ce développement, après le dépôt de ses derniers brevets en 1967 et 1968. Tous les groupes industriels qu’il a contactés à cette époque ne l’ont pas épaulé, mais ont seulement entrevu dans ses idées au mieux la possibilité d’utiliser la moto nautique comme un engin publicitaire, une espèce de folie attirant le public, pour faire vendre des sodas, ou populariser des marques…

Pourtant, après 10 années de développement, en 1966, Yves Mandar était bien près du but ! En 1977 James Bond utilise une moto similaire dans le film “l’espion qui m’aimait”.

Encore quelques années, et Canadiens et Japonais se saisissent de l’idée et développent la commercialisation à l’échelle du globe des Wet bikes, des jets-ski, et autres scooters des mers génériquement regroupés dans les PWC Personal WatercCrafts. Le marché mondial explose alors.

Les machines américaines et japonaises semblent avoir été inspirées des recherches d’un Californien, Clayton Jacobson, qui, comme Yves Mandar, avait développé des concepts de même nature, seul dans son coin. Ses machines sont toutefois différentes de celles de Yves Mandar : le guidon ne tourne pas ; la direction se fait exclusivement en se penchant... Ses inventions lui seront reconnues, après des années de procès, et finalement une transaction (c’était un avocat) contre de grands groupes qui s’en étaient approprié les retombées commerciales. Et aujourd’hui les Wet bikes et Wave runners de Suzuki et Kawasaki, constructeurs moto, ont tiré les bénéfices de ce marché aux cotés du Seadoo de Bombardier (un autre acteur du monde de la moto, avec sa filiale Rotax fournisseur de moteurs pour BMW F650, F800 , …)

Pourtant ces machines sont beaucoup plus pataudes que celles de notre inventeur, avec leurs skis très larges et leur coque abaissée; elles ont sacrifié la légéreté et l’agilité aux exigences marketing de fournir 2 places, un démarrage électrique, et si possible de préserver leur pilote du ridicule de la gamelle. Bref, elles ont séduit le marché avec des arguments marketing auxquels Yves Mandar ne se serait pas soumis, lui à la recherche des meilleurs rapports poids / puissance, performance / maniabilité, …

 

GENESE d’une INVENTION

Revenons à l’époque des pionniers, celle où Yves Mandar marie sa passion de l’aéronautique à celle de la recherche des sensations du ski nautique et de la moto. En 1956, à 25 ans, il vient de finir des études d’aéronautique, et profite du Paris existentialiste avec son frère Serge et son complice du lycée Stanislas, Antoine Psalty. Tous trois, l’imagination enflammée par le dynamisme ambiant, et l’évocation d’un Oncle de Yves qui courait en Bugatti dans les années 30, pilotait son zinc, se passionnent pour les engins motorisés. La chambre de bonne du Boulevard Montparnasse est leur base, pour planifier leur participation à des courses automobiles, des courses de bateaux, aux manifestations aéronautiques … et pour imaginer brusquement en 1956 l’idée d’un moteur monté dans une carlingue et permettant de surfer sur l’eau.

Des moteurs et des pièces sont achetées ou récupérées ; la chambre de bonne se voit équipée d’une petite fonderie à la cire perdue pour fabriquer des pièces en alu spécifiques, au risque de propager un incendie à plusieurs reprises dans l’immeuble. Quand les moyens financiers manquent pour acheter un outil, nos compères achètent les composants et se le fabriquent, comme un poste à souder acétylène par exemple. Petit à petit, les engins construits avec ces pièces repassent par l’escalier de service, et rejoignent des plans d’eau des boucles de la Seine, souvent des sablières, pour des essais les plus discrets possibles de flottabilité, d’étanchéité, de portance, et de performances.

Y. Mandar sur MN05, A. Psalty pontonnier, S. Mandar à la photo

Ces essais et cette période de développement vont durer 10 ans, au cours desquels des brevets seront déposés à partir de MN04 et surprise,… la Préfecture de Police moins pointilleuse qu’aujourd’hui, délivrera en 1966 un permis de naviguer à Yves Mandar, pour tester ses prototypes :

Se rendent-ils bien compte de ce qu’ils font ?

Parce que les premiers modèles présentent les risques inhérents à toute invention, mais là les réactions des engins sont inconnues et l’hélice et les dérives présentent des dangers réels, même si les essais se font dans des lacs, sur des eaux plates, dégagées de tous baigneurs et autres obstacles.

Il faut se figurer le premier déjaugeage, perché sur une forme de moto à 1,40 m de la surface de l’eau, sur un engin de 150 Kg, que personne n’a jamais imaginé, mu par un moteur à hélice de 35 CV quand même.

Les chutes au « bouillon » sont fréquentes, par mauvais déjaugeage, par éjection, par zig zag trop serré, voire par peur d’arriver trop fort sur la berge.. les essais de 15 minutes environ sont consignés dans une fiche de résultats.

Le démarrage est précédé du pointage d’une check list, le même rituel que dans l’aéronautique, car là aussi, il s’agit d’éviter de partir avec le trou de vidange de coque ouvert ou le capot mal verrouillé; Comme dans toute démarche innovante, on apprend de ses erreurs, et les moto nautiques sont progressivement équipées de systèmes de sécurité (coupe circuit par boucle reliée au poignet du pilote, système de pressurisation du réservoir réalisé avec une valve de chambre à air de vélo, adjonction d’une forme de quille, amortissement par un ressort des vibrations du ski dues au franchissement de vaguelettes,…

La science progresse à la sueur de nos pilotes d’essais qui vont petit à petit faire progresser la conception de l’engin, avec pour seuls secours en cas d’incident : une pagaie, un masque de plongée et des pansements.

Les premiers essais de MN01 à MN04

Nous n’avons plus de traces des MN01 à MN03, mais il nous reste des photos et un des deux carburateurs de MN03. Toutes ces machines partageaient avec la moto une forme de coque protégeant l’appareillage et le moteur, avec une selle que le pilote chevauche, agrippé à son guidon, dans une position très proche du motocyclisme classique

La grande différence vient de l’absence de roues, qui sont remplacées par 2 skis nautiques en aluminium, disposés l’un derrière l’autre, actionnés depuis le guidon par les leviers usuellement dévolus au frein et à l’embrayage. Les genoux du pilote enserrent le réservoir et participent au pilotage, comme en moto.

Il n’y a pas d’amortissement, mais un réglage par palonnier de l’angle d’incidence du ski avec la surface de l’eau

Les photos montrent une architecture de MN03 très inspirée de celle d’une moto de l’époque : deux moteurs thermiques de moto (Ydral 2T ?, cylindrées ? à culasse Maucourant) sont enserrés dans un cadre double berceau en acier, surmonté d’un réservoir d’essence prolongé d’une selle. Les moteurs transmettent son mouvement à une hélice placée sous le ski arrière.

MN03
Le Gurtner D20 rescapé en 2010

Sur certaines ébauches, MN03 est équipée d’une selle capitonnée avec dosseret arrière, à la chopper.

Le centre de gravité est bas, mais l’emplacement des moteurs impose de les protéger contre les entrées d’eau, donc de les caréner de manière étanche ; cet habillage pose des problèmes de refroidissement. La transmission à l’hélice se fait vers l’arrière, par une ligne d’arbre.

Ces fondamentaux semblent bons : MN03 pose des problèmes probablement de flottabilité et d’étanchéité, mais surtout de direction ; le poids du pilote ajouté au lest arrière des moteurs, décharge l’avant qui n’est pas assez directif lorsque la moto déjauge. Cette disposition, favorable pour les décollages, est catastrophique lorsque le pilote perd le contrôle de son engin, qui part en vrille dans l’eau. Quand il arrive à la maintenir, notre pilote indique que la machine oscille dans des mouvements de «galop».

Insatisfait, Yves Mandar va développer la MN04, en remontant le moteur à l’intérieur de la coque de protection, et en abandonnant les moteurs de motos pour un moteur de bateau refroidi par eau et équipé d’un arbre long. MN04 ci-dessous :

L’embase située à l’avant sert à la propulsion (hélice) au surf (support du ski) à la direction (rotation dans une bague spéciale), et le berceau forme une grande dérive assistée par des petites dérives sous les skis jouant un rôle de carres.

 

L’engin n’est pas très homogène.

 

Puis viendra la MN05 :

Son aspect général fait beaucoup penser au dessin des fuselages d’avions de l’époque. De même, l’arbre avant avec ses amortisseurs rappelle un train d’atterrissage d’avion. MN05 est vraiment la motonautique la plus aboutie et qui marche fort. Sa coque de fibre polyester armée surmoulée sur une poutre treillis, enveloppe un moteur hors bord conventionnel, dont l’arbre moteur rallongé traverse l’avant du motonautique ; un ingénieux système de paliers tournants étanches transmet une rotation du guidon à tout l’ensemble moteur, arbre, ski avant et hélice (Johnson 25 CV ou Evinrude 35 CV ?)

L’arbre du moteur descend à la verticale du guidon, l’embase et l’hélice traversent le ski avant et se voient entourés de deux dérives en alu formant carres, et permettant à l’avant d’être dirrectionnel. L’inclinaison des skis est contrôlée par les 2 leviers usuellement dédiés aux freins. Ici, pas de frein, malgré une vitesse élevée, estimée à bien plus de 50 km/h.

Comment çà marche ?

La plupart des véhicules marins antérieurs reposent sur le principe d’Archimède, la flottaison d’un corps qui reçoit la poussée verticale du volume d’eau déplacée, et qui se meut grâce à une hélice. MN05, elle, se meut à la surface de l’eau, avec un tirant d’eau quasi nul, grâce à sa vitesse après déjaugeage. La moto nautique, lors de sa mise à l’eau, s’enfonce jusqu’à sa ligne de flottaison, qui correspond à la décoration peinte en rouge sur ses flancs.

Le pilote est assis sur la partie arrière de la coque ; basculé en arrière, il se tient dans la position d’un skieur nautique, qui sort légèrement son ski avant de l’eau en tirant sur les câbles situés au guidon; il met alors les gaz, et à partir d’une certaine vitesse, il émerge de l’eau et bascule rapidement alors son corps vers l’avant pour assurer la liaison du patin avant sur l’eau.

Puis, il surfe, comme un skieur nautique, mais sans bateau , ni corde pour le remorquer. Il fait de l’aquaplanning comme un bateau de compétition pourrait le faire. Il prend les virages, en penchant son corps à l’intérieur, et en tirant sur le guidon opposé au sens du virage , tout comme lors de la conduite d’une moto, les skis et dérives prennent le relai des pneus. Seule la vitesse élevée tient la moto à la surface de l’eau. Les sensations sont extrêmes.

Il faut éviter les cabrages intempestifs. La crainte d’aller trop vite enfonce les skis dans l’eau (effet de « tranchée », avec le risque d’un calage du moteur et d’une culbute.

Une vitesse mal assurée engendre l’effet de « galop », avec des oscillations longitudinales de la moto.

Pour s’arrêter, il faut soigneusement doser sa décélération en l’amortissant par des petits coups de gaz, au fur et à mesure de la redescente dans l’eau : à réaliser de préférence en ligne droite…

Mais il reste quelques problèmes à régler : c’est une traction avant !!

Il faudrait une propulsion, pour permettre de dissocier les fonctions de motricité, d’amortissement et de direction.

Ainsi, démarra la MN06

Yves Mandar pense maintenant à déplacer son moteur, son embase et arbre vers l’arrière du bateau. L’hélice placée sous le ski arrière, ne s’opposera plus à la rotation du guidon avant et donc à l’agilité de la machine.la direction, soulagée du lourd poids du moteur, devient plus précise. Surtout cette simplification du train avant permet d’y ajouter une suspension, comme sur une moto. Cette suspension pourrait alors amortir les effets indésirables des mouvements de l’eau, du marsouinage et assurer une meilleure stabilité de l’engin dans les courbes ; le seul contrepoids à l’avant reste le réservoir + le pilote.

Sur le plan technologique, Yves Mandar prévoit de réaliser la peau extérieure en résine synthétique armée de fibre de verre, en profitant du retrait inhérent à la polymérisation pour sceller dans la coque les douilles de fixation du moteur et des accessoires.

Le moteur et son arbre sont passés à l'arrière

A l'avant, une poche d'air, le réservoir et la direction

Diverses études de coques

Cette machine pourtant complètement dessinée, ne sera jamais fabriquée ; seul un brevet a été déposé à l’INPI.

Et Yves Mandar laissera là ses développements. Sa démarche aura été celle d’un aviateur. Je cite Saint Exupéry, qui écrivait dans ‘Terre des Hommes’ : "Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher." Cette philosophie est aussi celle qui nous a donné les motos les plus belles, les plus racées.

La MN05 fera sa dernière sortie à Saint Cloud le 1er Mai 1977, à l’Hélice Club de France, puis elle sera remisée pour un long sommeil jusqu’à Mars 2010. Elle y perdra au passage son ingénieux coffre ponton flottant qui permettait d’improviser une base de tests sur n’importe quel plan d’eau.

Et pourtant le succès des motos des mers va venir d’une démarche opposée ; celle du rajout, de l’inflation d’accessoires, de gadgets, de puissance… qui me permettent aujourd’hui de dire que les MN étaient de vraies motos qui n’usurpaient pas leur titre ; d’ailleurs l’administration française me donne partiellement raison en qualifiant les autres machines de VNM Véhicules Nautiques à Moteur…

Donc, en 1975 le flambeau sera repris par les Canadiens d’Arctic entreprises, qui fabriquaient des motos-neiges, et qui souhaitaient équilibrer la saisonnalité de leur production par des motos nautiques.

Directement inspirée du moto neige, leur produit a un arrière traineau, beaucoup plus bas que les MN, ce qui permet de résoudre toute une série de difficultés comme le transport routier de l’engin, sa mise à l’eau via les rampes des ports (il flotte et son moteur est toujours hors d’eau) son déjaugeage (il ne faut pas sortir de l’eau), sa stabilité en course. Des cares sont placées sous les skis, mais l’ensemble dérape beaucoup sur l’eau, en restant beaucoup plus à plat que les MN, ce qui lui permet d’aller en mer, alors que l’usage des MN restait limité aux eaux plates des lacs et des rivières, sauf envie de se faire de grosses chaleurs, immédiatement calmées dans l’eau froide.

Les nouvelles machines sont équipées d’une turbine infiniment moins dangereuse que l’hélice, et les virages sont déterminés par l’angle du jet de cette turbine à l’arrière du bateau. Le démarrage est électrique, grâce à une batterie logée dans le coffre sous la selle. Le coffre est protégé des inondations par une pompe de cale. Un extincteur ( !) équipe même certains modèles. Le gabarit de la machine et sa stabilité permettent d’emmener un(e) passager(e), ce qui est un argument de vente incontestable.

Bref toute une série de compromis de nature « marketing ».

Brevet d'Yves Mandar pour la MN6 en 1966 : hauteur, légèreté, aérodynamique
Brevet US pour le Wetbike 1976

Centre de gravité abaissé, ski large, selle confort, turbine hydrojet, mais que l’engin semble pataud ! ces choix techniques de confort conduisent à un alourdissement considérable des engins. Les motorisations suivent, et les premiers wetbike arrivés en France équipés de moteurs Suzuki 50 CV bicylindre 2temps, alimentés par un réservoir de 30 litres de mélange, évolueront vers des machines actuellement motorisées à plus de 100 CV, capables de tracter un skieur nautique (sic !) Evidemment, les sensations sont infiniment moindres que celles des MN. Nous ne sommes plus dans le monde de la moto (malgré le nom donné en Français) mais dans celui du personal watercraft (PWC), un cousin du bateau, marié à un scooter plutôt qu’à une moto, dont le succès commercial va grandir.

Rapidement Kawasaki, Suzuki et Bombardier produisent des machines, avec des moyens financiers, qui n’ont plus rien à voir avec ceux de nos génies du début, eux qui ont pourtant posé toutes les bases du problème, en prouvant la faisabilité de l’Idée. Le succès commercial viendra au prix de compromis sur les sensations pures de la moto (vitesse, acuité, légèreté, …) que Yves Mandar ne voulait probablement pas sacrifier au confort et à la facilité. Il se vend 40 à 50 000 jets skis et autres scooters des mers de par le monde dans les années 80, puis le chiffre avoisine les 200 000 unités vendues chaque année dans la seconde moitié des années 90.

Ce succès commercial s’accompagne d’une course à la puissance, qui finit par atteindre plus de 100 CV sur certains modèles apparus dans les années 80.

Les produits et surtout le comportement de leurs pilotes génèrent de nouveaux dangers dans les zones de baignade ; près de 30% des accidents avec des baigneurs leur sont imputables, alors qu’ils ne représentent que 10% des embarcations. rajoutons le bruit, la pollution, le coté frimeur et on comprendra que les années 2000 ont été le point de départ de mesures répressives vis-à-vis des PWC et le début de la fin de l’engouement du public.

La boucle est bouclée.

On ressent bien que le pilote a besoin d’une position plus haute.

Elégance dans le maintien de la machine sur l'eau... en échappement... libre...

Aujourd’hui la Moto Nautique MN05 :

La MN5 n’est pas une affaire qui rouille. Elle est sortie de la remise de 1977 pour rejoindre un atelier de la Région Parisienne avec toute sa documentation, mais je ne crois pas qu’elle puisse revoir le frisson des vaguelettes. On reste frappé par sa beauté pure, ses lignes tendues, ses mécanismes ingénieux, qui expriment la volonté de courir sur l’eau, et qui s’opposent aux carrosseries et aux moteurs camionesques des engins qui lui ont succédé.

MN05 de 1966 photographiée en 2010

Après le décès du créateur des MN, Agnès, son épouse a décidé de me confier la destinée de la MN05, pour réserver son temps à son Pilatus 1956, avion d’entraînement (de voltige) de l’armée Suisse de l’époque. Ce cadeau génial et inattendu me donnera l’occasion de remonter le temps et de rencontrer des amis, auxquels je dois beaucoup, pour leur accueil sympathique, le temps qu’ils m’ont consacré et leur indulgence face à mes ignorances de motard dont les roues n’ont jamais quitté l’asphalte, notamment : Agnès MANDAR évidemment, Henri-Jacques PECHDIMALDJIAN président du CMC, Antoine PSALTY, ami des MANDAR et complice de Yves MANDAR dans la mise au point des MN.

Hommage au créateur

Reportage réalisé par Jean Emery, passionné par tous les engins mécaniques et par la sauvegarde du patrimoine. Un grand merci.